5 livres historiques pour savourer l’histoire de la calligraphie anglaise

album graphique girault calligraphie
Album Graphique, girault (Source : Gallica)

Lors des cours de calligraphie anglaise, j’amène à chaque séance une petite merveille historique. Il me semble en effet que seul ce va-et-vient entre histoire & pratique permet de « motiver les troupes » & d’aiguiser dans le même temps leur regard. Qui plus est, de nos jours, nombreuses références sont accessibles en ligne, notamment grâce à la plateforme Gallica. Alors j’ai pensé qu’un petit article recueillant certaines références qui me semblent particulièrement enrichissante pourrait être profitable sur le blog également ! Voici donc 5 livres historiques pour savourer l’histoire de la calligraphie anglaise !

1. The Universal Penman

Publié par George Bickham en 1741, cet ouvrage est LA référence de tout calligraphe étudiant l’anglaise (ou Copperplate). Bickham était maître écrivain mais aussi graveur. Dans ce livre marquant l’histoire de la calligraphie anglaise, il collecta auprès de vingt-cinq maîtres écrivains londoniens des échantillons de calligraphie et ce recueil d’écritures devint un outil à l’usage des maîtres écrivains. S’adressant en particulier aux gentlemen exerçant dans le commerce, Bickham souhaite mettre en avant les prouesses calligraphiques de son temps sans pour autant lésiner sur la lisibilité. Une merveille à étudier pour quiconque s’intéresse à l’anglaise. L’ouvrage a été à nouveau publié en 2014, dans un format réduit, ce qui le rend quelque peu difficile à utiliser pour une réelle étude… Vous pouvez consulter quelques échantillons de planches en visitant ce lien. Une édition de 1941 semble avoir existé également, avec une préface de Phillip Hofer mais je n’en ai jamais trouvé d’exemplaire.

2. Nouveau traité d’écriture enrichi de plusieurs pièces gravées d’après le chef-d’oeuvre de M. Rossignol

rossignol
Détail d’une planche de Rossignol gravée par Baillieul (Source : Gallica)
Les traits de plume auxquelles les lettres y & z ont donné lieu sont absolument remarquables.

Le titre est, comme bien des ouvrages français de cette époque, un peu long ! Publié en 1742, cet ouvrage signé par le Sieur Glachant, expert & écrivain juré, nous fait bénéficier d’une introduction typographiée extrêmement riche (28 pages) suivie de 18 planches écrites par Glachant & Rossignol, gravées par Aubin & Baillieul. L’ouvrage a été approuvé par le conseil du Roi le 21 Août 1741, année de publication de l’ouvrage précédemment cité The Universal Penman. Vous pouvez le consulter dans son intégralité sur le site Gallica de la BNF.

Nouveau traité d’écriture , enrichi de plusieurs piéces gravées d’après le chef-d’œuvre de M. Rossignol, où l’on trouve ses démonstrations, selon les principes de M. Alais ; et dans lequel l’on combat de nouveaux principes sur l ‘art d’écrire ; dédié à monseigneur le duc de Chartres, par le sieur Glachant expert-juré, rue Ticquetonne

Ceci est le titre de l’ouvrage en question !

L’introduction témoigne du grand respect de l’auteur Glachant pour l’enseignement du maître Alais & l’expertise de l’écrivain Rossignol. On comprend dès les premières pages que cet ouvrage est un hommage rendu :

A MONSEIGNEUR

MONSEIGNEUR le Duc de Chartres (…)

Ce qui m’a enhardi, MONSEIGNEUR, c’eft que ce Traité eft un tiffu fuivi des Principes du Maître célébre , qui a eu l’honneur de Vous mettre la plume à la main dans votre Enfance ; & fans doute le fouvenir dont vous voulez bien encore honorer fa mémoire , Vous a porté à accepter mon hommage. »

Votre très-humble & très-obéiffant
Serviteur Glachant

L’auteur explique que Rossignol avait pour projet de réaliser un tel ouvrage. A sa mort, le frère du maître écrivain a transmis les planches de la main de Rossignol à Glachant, qui a complété avec ses propres créations ce traité d’écriture.

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Une planche de Rossignol gravée par Aubin. (Source : Gallica)

Dans le texte, la place du corps est essentielle : « Du Corps », « Des Bras », « Des Mains », « Des Doigts & de la Tenue de la Plume », « Du Poignet ». Autant dire que l’outil principal de l’écriture est avant tout le corps de l’écrivain et que tant de pages évoquant cet aspect doivent nous amener à appréhender cet aspect de l’écriture comme essentiel. Vient ensuite une partie sur la taille de l’écriture. Pour chaque style d’écriture, des consignes afin de tailler sa plume d’oiseau sont donnés aux lecteurs. « Des fituations de la Plume », « Des Mouvements que l’on doit obferver pour produire toutes fortes d’écritures », « Des Effets de la Plume », tels sont les titres des paragraphes suivants. Ici encore, le Corps apparaît en creux, mais reste pourtant l’élément déterminant du discours de l’auteur. La seconde partie de l’introduction s’intitule « Sur la Forme des Lettres », l’auteur nous invite à appréhender les dimensions & les caractéristiques formelles des écritures, les liaisons, les majeurs ou majuscules, etc.

Les planches qui suivent l’introduction illustrent l’écriture Ronde et la Batarde. Je vous l’accorde, cet ouvrage n’est pas consacré à l’écriture anglaise. Cependant, il offre un très bel élément contextuel, permettant de saisir les origines de l’anglaise, mais surtout d’entrer dans l’esprit pédagogique des maîtres écrivains du XVIIIème siècle. Cet esprit, dont témoigne l’introduction, est bien utile à quiconque souhaite pratiquer ce que nous nommons désormais la calligraphie. Saisir l’importance du corps, comprendre la plume des origines (issue de volatiles) en tant qu’instrument qu’il faut tailler, tous ces éléments offrent une grande richesse pour comprendre les traces laissées par les écrivains de cette époque & qui forment pour nous des modèles de lettres.

3. Tecnographie ou Méthode raisonnée sur l’art d’écrire

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Détail d’une planche écrite par Dartiguenave & gravée par D’Avignon (Source : Gallica)
La figure de l’oiseau composée par des Traits de Plume vient surplomber les illustrations présentant la position du corps lors de l’écriture.

Publié en 1818, cet ouvrage rédigé par J. Dartiguenave, membre de l’Académie d’écriture de Paris & gravé par Jean-François D’Avignon comporte 5 pages d’introduction & 22 planches gravées en plus de celle du titre.

Pour moi, cet ouvrage est une référence extraordinaire parmi les livres historiques sur la calligraphie anglaise pour comprendre cette écriture. Celle-ci y est traitée en parallèle de la Ronde, de la Batarde et de la Coulée. Nous pouvons ainsi en appréhender toutes les spécificités, mais surtout saisir tout le contexte d’écriture qui l’entoure.

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Détail d’une planche écrite par Dartiguenave & gravée par D’Avignon (Source : Gallica)

J’ai publié un article complet sur cet ouvrage que vous pouvez consulter en suivant ce lien !

4. Album graphique

Première Partie

Cette publication en deux parties de Jules Girault date de 1867. Dans cet ouvrage au titre à rallonge là encore (Album graphique, recueil d’alphabets français, étrangers et ornés, couronnes, armes, supports, chiffres entrelacés et ornés, monogrammes tirés d’anciens manuscrits, et composés par Jules Girault,…), Girault nous propose de très belles pages d’écriture. La première partie nous donne à voir une multitude d’alphabets historiques à commencer par la Capitale romaine, des alphabets gothiques avec une introduction mentionnant le rôle de Durer qui est très intéressante, des alphabets de Ronde, Batarde & Coulée dont là-encore une introduction typographiée nous offre des repères historiques. Ces repères historiques sont suivis de planches exposant des lettres majuscules anglaises entrelacées. On sent dans cette introduction la volonté de Girault de faciliter le travail de ses pairs. Sont enfin abordés les alphabets étrangers en passant par le grec, le russe ou encore l’hébreu.

Seconde partie

La seconde partie contient davantage de planches sur l’anglaise. On y découvre entre autres une page par lettre, composée d’un mot débutant par chacune des lettres de l’alphabet, et bien entendu, cette illustration calligraphique n’est pas des moindres ! Volutes, arabesques, chaque mot donne à voir une composition ornementale extraordinaire, permettant à qui le souhaite de travailler sur plusieurs niveaux. Etude des lettres, des espaces, des ornements, de la composition dans la page.

Un point notable également, le fait que l’auteur ait été le calligraphe & le graveur pour la réalisation de cet ouvrage :

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girault
Comme en témoigne l’inscription « Girault Script. & Sculpt. », l’auteur a composé les calligraphies mais aussi les gravures.

Un livre historique d’une très grande richesse pour savourer pleinement la calligraphie anglaise.

5. Recueil Méthodique de Principes d’Ecriture

Publié vers 1880, cet ouvrage de Pierre Meyrat, professeur à l’Ecole Pratique de commerce de Limoges était destiné aux classe parisiennes, en témoigne la mention sur la couverture : « Inscrit sur la liste des Ouvrages fournis gratuitement par la Ville de Paris à ses Ecoles ». Typique des méthodes scolaires que je qualifierais de « modernes », on sent une véritable théorie qui sous-tend la pédagogie. L’écriture est normée, à la manière d’exercices de géométrie, comme en témoigne le texte de la partie III. de l’image ci-dessous :

La mise en page diffère des ouvrages antérieurs évoqués plus haut : tout se doit d’être explicitement énoncé en parallèle de la planche présentant la lettre. Les pages sont ainsi présentées en format paysage et sont divisées en deux parties : à gauche, les éléments de chaque lettre ; à droite, les observations typographiées. Des planches en pleine page donnent des exercices afin de rédiger des mots puis des phrases. Vient ensuite l’étude des lettres majuscules, isolées par groupes. L’écriture cursive est ensuite étudiée selon différentes applications : moyenne, fine. Enfin, deux planches illustrent une cursive droite, telle que nous y avons été habitués à l’école en France à partir des années 60.

Cette méthode me semble particulièrement illustrer le virage de séparation de l’église & de l’état : si auparavant, bien des phrases à copier mentionnaient la gloire de Dieu, nous sommes ici sur un outil républicain, visant à démocratiser l’enseignement public. « L’ignorance est la plus dangereuse des maladies et la cause de toutes les autres » est l’une des phrases montrant l’application des majuscules dans l’écriture. Ce type de maxime est encore présent dans l’inconscient collectif scolaire.

Ce livre est très proche de nous dans sa conception, il ressemble de près à ce que nous avons connu à l’école & il peut être un outil facilitant l’apprentissage de l’anglaise si l’ancien François vous rebute au départ. Par ailleurs, beaucoup de personnes commençant à s’intéresser à l’anglaise souhaitent une véritable théorie sur chaque lettre, une réponse sur la hauteur de tel élément de la lettre, ce que fournit avec précision cet ouvrage, qui, comme évoqué plus haut, vient normer l’écriture comme jamais auparavant. Si dans les époques précédentes, la formation du regard devait engendrer une compréhension de la lettre, cet exemple de méthode témoigne du besoin de « forcer » le regard sur les éléments : les 1/4 précisés ci-dessous exposent très bien cette volonté :

Livres historiques calligraphie anglaise

Je pense que cette nécessité de normes, cette précision d’informations sur chaque lettre, fut le gage d’un enseignement plus rapide & démocratisé dans les écoles. Vous pouvez consulter cet ouvrage en ligne en suivant le lien vers le Recueil Méthodique de Principes d’écriture.

J’espère que ces 5 livres historiques vous permettront d’en savoir plus sur l’histoire de la calligraphie anglaise & vous émerveilleront les mirettes !